Le roi Mohammed VI a une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme sur l’état du système éducatif marocain, pointant des lacunes persistantes qui freinent l’insertion des jeunes et la confiance des familles. Malgré une enveloppe budgétaire importante — 90,6 milliards de dirhams alloués en 2023, soit près de 6 % du PIB et 12 % du budget de l’État — les résultats restent insuffisants : faibles niveaux scolaires, fort taux d’échec et inadéquation des compétences aux besoins du marché du travail. Cette mise en lumière royale relance le débat sur la gouvernance, la qualité des apprentissages et la fracture entre écoles publiques et privées.
Sur le terrain, la situation se traduit par des disparités nettes entre zones rurales et urbaines, une préférence croissante des classes moyennes pour le secteur privé et des réformes successives qui peinent à s’enraciner — de la Charte nationale d’éducation à la Vision 2015-2030. Les collectivités, les universités et les fondations sont appelées à jouer un rôle plus visible pour restaurer la confiance. Le défi est double : moderniser les contenus pédagogiques et réformer la gouvernance pour garantir une mise en œuvre stable et équitable.
À la croisée des enjeux, des acteurs comme le Ministère de l’Éducation Nationale, la Fondation Zakoura ou la Fondation BMCE Bank pour l’Éducation sont déjà engagés, tout comme des établissements et institutions académiques — Université Mohammed V, Université Hassan II, Université Al Akhawayn, INSEA — et des écoles innovantes telles que Groupe scolaire La Résidence ou les Écoles Oasis. La question reste ouverte : les mesures récentes suffiront-elles à inverser la tendance ?
– Ressource budgétaire importante mais résultats décevants ;
– Disparités territoriales marquées entre rural et urbain ;
– Gouvernance centralisée et instabilité des réformes ;
– Perte de confiance des familles envers l’école publique ;
– Partenariats publics-privés et fondations sollicités pour l’innovation.
Budget et performances : pourquoi l’argent ne suffit pas pour transformer l’enseignement au Maroc
Le fait essentiel est paradoxal : l’État consacre des moyens significatifs à l’éducation, mais les indicateurs d’apprentissage ne suivent pas. En 2023, le financement public s’est élevé à 90,6 milliards de dirhams, un montant supérieur à celui dédié à des secteurs comme l’équipement ou l’agriculture.
Pourtant, les résultats scolaires restent parmi les plus faibles de la région. Seuls 50 % des élèves achèvent le cycle collégial et de nombreux diplômés peinent à trouver un emploi correspondant à leurs compétences.
Ce décalage met en évidence un problème structurel : l’allocation des ressources ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’une révision des méthodes pédagogiques, d’une formation continue des enseignants et d’une gouvernance efficace. Le Ministère de l’Éducation Nationale a tenté des réponses, mais l’impact reste limité tant que la mise en œuvre locale n’est pas stabilisée.
Le financement important alimente des programmes ambitieux, mais sans pilotage territorial fort, les inégalités se creusent. Les efforts financiers doivent désormais s’accompagner d’outils d’évaluation robustes et de responsabilité locale pour transformer l’investissement en qualité d’enseignement.
Pour en savoir plus sur le contexte culturel et patrimonial qui influence les politiques publiques au Maroc, consultez cet article sur la médersa de Taza : redécouvrir la médersa mérinide de Taza, une part du patrimoine éducatif national.
Insight : sans aligner dépenses, pilotage et évaluation, le budget restera un chiffre plus qu’un levier de transformation.
Gouvernance centralisée : le frein invisible aux réformes
La gouvernance est au cœur du blocage. Le modèle fortement centralisé limite l’autonomie des académies régionales et bride la capacité d’adaptation aux réalités locales.
Conséquence : des initiatives locales — menées parfois par des fondations ou des établissements privés — peinent à être déployées à grande échelle. La Fondation Zakoura ou la Fondation BMCE Bank pour l’Éducation développent des projets pilotes, mais leur diffusion reste marginale face à une administration peu flexible.
Fil conducteur : Youssef, professeur dans une province rurale, illustre le constat. Il reçoit du matériel pédagogique moderne financé par un partenaire local, mais l’absence d’une stratégie académique claire empêche l’intégration systématique de ces outils.
Le vrai enjeu est la stabilité des réformes : changer les règles de gouvernance, déléguer des responsabilités aux acteurs locaux et assurer une formation soutenue des personnels. Sans cela, les programmes resteront ponctuels.
Insight : la décentralisation contrôlée pourrait être le levier pour transformer les projets pilotes en pratiques durables.
Territoires et inégalités : l’école publique face à la fragmentation sociale
Les disparités territoriales sont criantes. Dans les zones rurales, l’accès aux infrastructures, aux enseignants qualifiés et aux ressources pédagogiques reste insuffisant. En ville, les familles aisées optent pour des structures privées comme Groupe scolaire La Résidence, renforçant une ségrégation éducative.
Des acteurs comme les Écoles Oasis et la Fondation Zakoura interviennent pour réduire ces écarts, avec des programmes d’appui et d’accompagnement. Mais l’ampleur du défi nécessite une action conjointe des pouvoirs publics, des universités et des partenaires internationaux.
Le rôle des universités est double : produire des études utiles pour la décision publique et former des enseignants capables de travailler hors des centres urbains. Les collaborations avec Université Mohammed V, Université Hassan II et Université Al Akhawayn sont cruciales pour ce renforcement des capacités.
Exemple concret : un partenariat entre une université publique et une fondation a permis la création d’un dispositif de tutorat pour les collégiens dans une province reculée, améliorant les taux de maintien scolaire. Ce type d’initiative montre que des réponses locales, soutenues par des institutions nationales, peuvent produire des résultats mesurables.
Insight : rapprocher les acteurs — universités, fondations et académies — est une condition nécessaire pour réduire la fracture territoriale.
Langues, curriculums et employabilité : l’impératif d’un curriculum en phase avec l’économie
Le système marocain fait face à des attentes contradictoires : transmettre une culture nationale tout en préparant les jeunes à un marché du travail mondialisé. Les lacunes en arabe classique et en langues étrangères pèsent sur l’employabilité des diplômés.
Les institutions techniques et économiques, comme INSEA, jouent un rôle dans l’adaptation des formations aux besoins du marché. De même, la Mission française au Maroc a contribué à des échanges pédagogiques et à des programmes de formation des enseignants.
Fil conducteur : Amina, diplômée d’une université régionale, illustre le fossé. Malgré un bon dossier universitaire, elle manque de compétences linguistiques et techniques recherchées par les entreprises, ce qui retarde son insertion.
Des partenariats entre établissements supérieurs, entreprises et fondations — y compris des initiatives impulsées par la Fondation BMCE Bank pour l’Éducation — montrent la voie : modules techniques, stages obligatoires et renforcement linguistique peuvent rapprocher formation et emploi.
Insight : repenser les curricula autour de compétences transversales et professionnelles est indispensable pour réduire le chômage des diplômés.
Acteurs et initiatives : vers une co-responsabilité entre public, privé et société civile
La transformation exige une coalition d’acteurs. Outre le Ministère de l’Éducation Nationale, les fondations, les universités et le secteur privé doivent conjuguer leurs efforts pour créer des solutions durables.
Des établissements comme Groupe scolaire La Résidence ou des universités prestigieuses accompagnent des projets de formation des enseignants et d’innovation pédagogique. Les mécènes et fondations financent des laboratoires d’expérimentation. Les institutions financières et culturelles peuvent contribuer à des programmes d’envergure.
Pour comprendre la dynamique économique plus large qui influence ces choix politiques, voir cet article d’analyse : comprendre les grands enjeux économiques actuels, qui éclaire les arbitrages budgétaires et stratégiques.
Insight : sans une gouvernance partagée et des engagements clairs de chaque acteur, les initiatives resteront dispersées et peu durables.
Perspectives : la feuille de route 2022-2026 et les conditions du succès
La feuille de route 2022-2026 met l’accent sur la qualité des apprentissages, la formation des enseignants et la modernisation des infrastructures. Son succès dépendra de la capacité à engager les acteurs locaux et à stabiliser les réformes.
Des partenariats entre universités — Université Mohammed V, Université Hassan II, Université Al Akhawayn — et acteurs internationaux peuvent accélérer les transferts de compétences. L’appui technique de la Mission française au Maroc et d’autres partenaires étrangers demeure précieux pour la formation et l’évaluation.
Exemple : une convention entre une académie régionale et une université a permis de déployer un programme de formation continue pour enseignants, réduisant l’absentéisme et améliorant les méthodes pédagogiques sur deux années scolaires.
Insight : la feuille de route peut produire des résultats si elle s’accompagne d’une véritable décentralisation opérationnelle et d’un suivi rigoureux des impacts.
Pour approfondir les enjeux patrimoniaux et culturels liés à l’éducation et au développement local, voir également : redécouvrir la médersa mérinide de Taza et comprendre les grands enjeux économiques actuels, ressources qui éclairent le contexte plus large des politiques publiques.
Réflexion : face aux défis soulignés par le souverain, l’avenir de l’école marocaine dépendra moins d’un seul budget que d’une capacité collective à transformer fonds, institutions et pratiques en progrès durable pour tous.