Fait essentiel : la formation militaire demeure le chaînon manquant de la montée en puissance de la Armée malienne. Malgré des réformes lancées après la crise de 2012 et des investissements massifs, la capacité des forces à couvrir un territoire immense et à mener des opérations coordonnées reste fragilisée par des lacunes en formation, en encadrement et en logistique.
En bref : FAMa sous-effectif et en reconstruction ; déploiement d’écoles comme le Centre de Formation Militaire de Koulikoro et l’École militaire interarmes de Bamako ; appuis extérieurs (MINUSMA, Union européenne via EUTM Mali, anciennement Barkhane) essentiels mais insuffisants ; investissement 2015-2019 de 1 230 563 972 349 F CFA ; projet d’industrie militaire visé en 2025 pour réduire la dépendance ; nécessité d’une stratégie de « sécurité humaine » intégrant formation, cohésion et relance civile.
Pourquoi la formation militaire est au cœur du défi pour l’Armée malienne
La crise multidimensionnelle déclenchée en 2012 a mis à nu les faiblesses structurelles d’une armée autrefois respectée pour sa puissance de feu. Les revers subis ont révélé un déficit d’entraînement, une chaîne de commandement affaiblie et des forces mal préparées à des conflits asymétriques.
Pour protéger plus d’un million deux cent quarante et un mille kilomètres carrés, les Forces Armées Maliennes (FAMa) doivent conjuguer recrutement, montée en compétences et maintien opérationnel. Les mesures adoptées — réorganisation, renforcement des effectifs, amélioration des conditions sociales — ont amorcé une transformation ; mais l’écart reste significatif entre ambitions et capacité réelle sur le terrain. Insight : la compétence tactique ne se improvise pas, elle se forme.
Infrastructures et écoles : du Centre de Formation Militaire de Koulikoro à l’École militaire interarmes de Bamako
Le Centre de Formation Militaire de Koulikoro et la Direction des Écoles Militaires (DEM) sont désormais des pivots incontournables. L’École militaire interarmes de Bamako a accueilli des missions de formation internationales et reste le point d’ancrage pour la professionnalisation des cadres.
Des partenariats avec l’Union européenne (EUTM Mali), la Turquie ou encore des programmes antérieurs américains ont enrichi les cursus. Mais la disponibilité des infrastructures, l’équipement des salles d’instruction et la formation des formateurs doivent être intensifiés pour transformer ces centres en véritables accélérateurs de compétence. Insight : former des formateurs est la condition sine qua non d’une formation durable.
Investissements, équipements et conditions sociales : progrès visibles, limites tenaces
La mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire (2015-2019) a injecté près de 1 230 563 972 349 F CFA dans les forces. Résultats : réarmement moral, achat de véhicules et matériels, construction de centres d’aguerrissement, et mise en place d’avantages sociaux (indemnités, fondation pour la solidarité).
Pourtant, l’inventaire des équipements montre une hétérogénéité persistante — véhicules tout-terrain, MRAPs, blindés de divers pays — et une maintenance aléatoire. Les dons extérieurs (France, Qatar, Émirats, Allemagne, Union européenne) ont comblé des besoins immédiats, mais la dépendance reste forte. Dans ce contexte, la réorientation de certains partenaires du Golfe est un facteur à surveiller (coopération internationale). Insight : l’équipement sans formation équivaut à une promesse non tenue.
Le facteur humain : recrutement, formation continue et réarmement moral
Pour incarner ce changement, prenons le cas du sergent fictif Adama Traoré, formé à Koulikoro. Recruté en 2017, il a vu sa promotion liée à la création d’un statut rénové et à l’intégration de primes de sécurité. Son parcours illustre le lien entre conditions sociales et fidélité aux rangs.
La création d’une fondation pour la solidarité et l’adoption d’indemnités ont amélioré le moral. Mais le vrai défi reste la formation continue : stages tactiques, préparation opérationnelle et cours sur le droit international humanitaire. La MINUSMA a contribué, par exemple, en rénovant des infrastructures en 2019, mais la nécessité d’un programme national pérenne demeure. Insight : des soldats motivés sont un levier de stabilité, pas un coût à réduire.
Partenariats et souveraineté : entre dépendances et volonté d’autonomie
Le retrait progressif de certaines forces étrangères et la transformation des missions (fin de Barkhane, redéploiements) ont modifié l’écosystème sécuritaire. La MINUSMA reste présente, tout comme des missions de formation européenne. Le G5 Sahel constitue un cadre régional, mais les ressources et la coordination opérationnelle varient selon les alliés.
Face à cela, Bamako affiche une ambition : développer une industrie militaire nationale d’ici 2025 pour produire véhicules, munitions et pièces. Cette trajectoire vise à réduire la vulnérabilité face à des flux d’armement internationaux qui peuvent évoluer, comme le montrent les mouvements diplomatiques au Golfe (enjeux géopolitiques). Insight : l’autonomie matérielle exige une stratégie industrielle doublée d’une école nationale performante.
Vers une école nationale de guerre : capter l’expérience et la transmettre
Construire une doctrine malienne passe par une école de guerre adaptée au contexte sahélien. L’objectif : conjuguer le retour d’expérience des opérations récentes avec des programmes de formation pour états-majors, unités mécanisées et forces spéciales. L’État-major Général des Armées doit piloter cette transformation, tout en s’appuyant sur la Direction des Écoles Militaires pour professionnaliser les cursus.
Les partenaires peuvent aider, mais la gouvernance et la mise en réseau des centres (Koulikoro, Bamako, PMK, écoles de sous-officiers) conditionneront la pérennité. Une bascule vers une « sécurité humaine » exige l’ouverture à la société civile et une priorité donnée à la protection des populations. Insight : la stratégie de défense se gagne dans les salles de cours autant que sur le terrain.
Les choix faits aujourd’hui — formation des formateurs, maintien des avantages sociaux, investissements industriels et gestion des partenariats — détermineront si la Armée malienne peut réellement devenir le garant stable de l’intégrité territoriale. Comme le rappelait un vieux dicton militaire, adapté ici : mieux vaut forger un capitaine que d’armer mille fusils.
Pour approfondir les enjeux géopolitiques et l’impact des repositionnements internationaux sur l’approvisionnement et les alliances, voir également cet angle sur la réorientation des alliances, ainsi que les analyses consacrées aux appuis extérieurs (dynamique des partenariats), et les conséquences pour le financement des programmes nationaux (appuis extérieurs).