Samia Akariou porte aujourd’hui un regard lucide sur le parcours de Bnat Lalla Mnana : née au théâtre, exportée à la télévision, la création a changé la donne pour la comédienne et pour une part du paysage audiovisuel marocain. Le fait essentiel : la pièce montée en 2005, adaptée librement de La Maison de Bernarda Alba, puis transformée en série diffusée durant le Ramadan, a servi de tremplin. À l’écran, la série a offert un souffle nouveau à une programmation jugée trop convenue, et sur scène elle a permis à Akariou de s’affirmer non seulement comme actrice mais aussi comme metteur en scène et cheffe de troupe. Contexte : native de Chefchaouen (née en 1972), diplômée de l’ISADAC, Samia Akariou a été révélée au grand public par le film Lalla Hobby en 1997. Formée par Jamal Eddine Dkhissi, elle a construit une carrière oscillant entre cinéma, télévision et théâtre, cofondant la troupe Takoon et signant des adaptations qui ont rencontré un large public, jusqu’à des retours internationaux ponctuels. Analyse : Bnat Lalla Mnana a eu un double mérite. D’abord artistique : donner la parole à des personnages féminins complexes et installer une langue populaire et sincère — le fameux accent chamali qui a séduit les téléspectateurs. Ensuite, institutionnel : la pièce et la série ont montré qu’un projet profondément ancré dans le théâtre pouvait renaître à la télévision sans se trahir. Akariou y a joué un rôle multiple : actrice principale, metteuse en scène de la version scénique et adaptatrice pour le petit écran. Les enjeux restent cependant visibles. L’actrice dénonce une porosité problématique entre amateurs et professionnels : trop de postes ouverts sans filière de formation claire, des « parasites » qui brouillent les repères du métier. Son propos rejoint une revendication récurrente parmi les praticiens : renforcer les écoles, professionnaliser les équipes techniques et scénaristiques pour assurer la pérennité des créations. Sur le plan personnel, Samia Akariou n’est pas seulement une figure publique : elle est aussi fille de Chefchaouen, mère et compagne. Le soutien de son entourage — et en particulier le rôle stimulant de son mari — apparaît dans son récit comme un moteur. Elle cite encore l’apport de son ancien professeur, dont l’enseignement a façonné son jeu. Au-delà du succès artistique, la comédienne porte une parole engagée. Elle n’hésite pas à fustiger l’indifférence face aux tragédies internationales et à dénoncer l’intolérance et l’arriération sociale. Ces prises de position montrent que son investissement dépasse la scène : elle veut que l’art interroge et élève le débat. Regard vers l’avenir : Akariou imagine des suites possibles — reprises scéniques, nouvelles saisons, transmission aux jeunes comédiens — mais elle insiste sur la nécessité d’un cadre formateur solide et d’une réflexion institutionnelle sur la création scénique et audiovisuelle. La route passe par la formation, la mise en valeur des équipes locales et l’ouverture des plateformes qui permettent de prolonger la vie des œuvres. “Bab essbar ma3lih z7am” — la patience trouve toujours son chemin — ressort comme une maxime qui lui tient à cœur. Elle illustre une stratégie à la fois modeste et tenace : construire pierre après pierre, sur le plateau comme dans les coulisses.Samia Akariou revient sur le succès et l’avenir de Bnat Lalla Mnana