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L’économie sociale et solidaire, un modèle en pleine expansion

découvrez l'économie sociale : un secteur dynamique qui privilégie l'intérêt collectif, l'innovation sociale et le développement durable, au service d'une société plus équitable et solidaire.

Fait essentiel : l’économie sociale et solidaire (ESS) se confirme comme un acteur majeur de la transition vers une économie circulaire, en inventant des pratiques qui réduisent les déchets, favorisent le réemploi et créent des emplois locaux — mais son irruption sur l’échiquier économique se heurte encore à des limites structurelles et financières.

En 2024, la nomination de Jessika Roswall comme commissaire européenne chargée de l’Environnement, de la résilience de l’eau et de l’économie circulaire compétitive rappelle que l’Union européenne veut traduire ces ambitions en politiques concrètes. Sur le terrain, cependant, ce sont les acteurs de l’ESS — ressourceries, recycleries, coopératives et associations d’insertion — qui testent et adaptent les solutions à l’échelle des territoires.

Ces structures partagent un socle de valeurs : solidarité, coopération, utilité sociale. Elles transforment les déchets en ressources, remettent en circulation des objets et forment des personnes éloignées de l’emploi. Des exemples concrets l’illustrent : des ressourceries normandes et des associations comme Le Grenier au Havre, qui accueille près de 180 personnes en parcours d’insertion et remet en état environ 700 tonnes de biens chaque année, montrent que l’ESS conjugue réemploi et réinsertion avec des résultats tangibles.

Dans les zones rurales, des coopératives proposent aussi des solutions de mobilité partagée adaptées aux besoins locaux, réduisant l’empreinte carbone tout en renforçant le lien social. Ces initiatives reposent souvent sur une gouvernance locale, qui implique les usagers dans les décisions et assure une réponse sur-mesure aux territoires.

Les chiffres éclairent autant qu’ils interpellent. En France, le budget total des associations employeuses s’élève à environ 111 milliards d’euros. Les recettes d’activités représentent près de 66 % de ce total, les subventions publiques 20 %, les cotisations 9,3 % et les dons 4,6 % (ESS France, 2022). Le bénévolat équivaut à près de 1,425 million d’emplois à temps plein — une force cruciale mais difficile à professionnaliser.

En Normandie, 473 structures de l’ESS interviennent dans l’économie circulaire, mais seulement un quart d’entre elles emploie plus de 10 salariés : un indicateur de la fragilité de leur capacité à passer à l’échelle. Du côté de l’impact, des études montrent qu’en moyenne ces acteurs créent de l’ordre de 70 emplois pour 1 000 tonnes de matériaux collectés — un ratio qui illustre le potentiel social de la gestion circulaire des déchets (RREUSE).

Malgré ces atouts, plusieurs freins persistent. Le premier est financier : la diminution des subventions publiques oblige de nombreuses structures à compter davantage sur des recettes d’activité. Le second est culturel : la perception du réemploi et du reconditionné reste inégale. Une enquête OpinionWay montre que près de 8 Français sur 10 voient la seconde main comme une solution économique, mais que 39 % des 18-24 ans retourneraient à l’achat neuf dès que leur situation financière le permettrait. La qualité perçue des produits reconditionnés reste un obstacle, même si des labels comme Répar’acteurs visent à restaurer la confiance.

Sur le plan réglementaire et politique, plusieurs pistes sont avancées pour renforcer le rôle de l’ESS dans l’économie circulaire : un accès prioritaire aux flux de déchets des déchèteries publiques, des partenariats stables avec les entreprises pour capter et traiter des matériaux recyclables, des mécanismes d’achats publics favorisant les structures sociales, ou encore des incitations fiscales (par exemple une TVA réduite sur les produits reconditionnés).

La loi anti-gaspillage de 2020 a instauré des droits concrets — droit à la réparation, obligation pour certains fabricants de fournir des pièces détachées — mais les acteurs de l’ESS demandent un renforcement du cadre et des moyens. Dans ce contexte, des propositions techniques émergent : fonds dédiés, accès simplifié aux subventions, dispositifs de professionnalisation pour améliorer la gestion, le marketing et l’innovation sociale.

La nécessaire alliance entre politiques publiques et acteurs de terrain est aussi une affaire d’éducation et de communication. Sensibiliser tôt, intégrer l’ESS et l’économie circulaire dans les programmes scolaires et multiplier les campagnes de confiance sur la réparation et le réemploi sont des leviers essentiels pour changer les comportements d’achat sur le long terme.

Pour qui veut comprendre comment ces dynamiques se déploient au quotidien, plusieurs reportages et analyses locales offrent des repères et des récits de terrain : une immersion dans une ressourcerie, le portrait d’une coopérative de mobilité, ou encore un focus sur des parcours d’insertion. D’autres articles examinent les freins financiers et les politiques publiques à l’œuvre.

Derrière les chiffres et les dispositifs, l’enjeu reste humain : permettre à des initiatives locales de consolider leur modèle, d’atteindre une taille critique et de convaincre des consommateurs parfois hésitants. La capacité de l’ESS à innover sur la réparation, le réemploi et la coopération en fait un laboratoire précieux pour une économie plus résiliente et plus juste.

Derrière cette dynamique, une question reste ouverte : comment aligner, concrètement et rapidement, les outils financiers, les marchés publics et les comportements pour que l’ESS ne soit pas seulement porteuse d’expérimentations, mais bien d’une transformation durable et à grande échelle ?

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