Des marocains dans le couloir de la mort : enjeux et perspectives

Des marocains dans le couloir de la mort : enjeux et perspectives

Un paradoxe persistant dans un pays sans exécutions

Malgré l’absence d’exécutions depuis 1993, le Maroc conserve une réalité plus complexe : plus de 90 personnes restent condamnées à mort. En 2018, dix nouvelles condamnations ont été prononcées, témoignant d’un système judiciaire oscillant entre abolition de fait et maintien de la peine capitale. Ce paradoxe interroge autant sur les politiques pénales que sur les perspectives de réforme à court et moyen terme.

La peine de mort au Maroc : contexte historique et juridique

Officiellement abolitionniste de facto, le Maroc n’a pas procédé à une exécution depuis trois décennies. Cependant, la peine capitale reste inscrite dans son arsenal juridique et peut être prononcée par les tribunaux. En 1979, le pays a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui engage à respecter les droits fondamentaux mais a omis de ratifier son Deuxième Protocole facultatif visant à abolir la peine de mort. Cette ambivalence législative s’accompagne d’actions concrètes telles que la création d’un réseau parlementaire anti-peine de mort, soutenu par des ONG et des parlementaires engagés.

Décryptage : entre maintien symbolique et volonté progressive

Le maintien de condamnations à mort sans mise à exécution nourrit un double discours. D’une part, il marque une certaine retenue, évitant l’irrémédiable ; d’autre part, il traduit une forme de pression sociale et politique, où la peine capitale demeure un levier de dissuasion et de gestion des dossiers criminels sensibles. Ce statu quo s’explique aussi par l’absence de consensus politique et des résistances institutionnelles liées aux questions de sécurité et d’ordre public.

Autre angle crucial : la sensibilisation croissante à la question des droits humains au Maroc. Plusieurs parlementaires, comme l’honorable Zohour el Wahabi, engagée dans la commission Justice et droits humains, participent à des forums internationaux pour échanger sur les meilleures pratiques en matière d’abolition. De telles démarches montrent une dynamique progressive, même si son application reste partielle et fragile.

Les impacts concrets sur les détenus et la société

La présence de condamnés à mort au sein des prisons marocaines a des implications psychologiques et humaines majeures. La détention dans le couloir de la mort, souvent synonyme d’incertitude permanente, suscite un stress extrême et pose des questions éthiques fondamentales. Par ailleurs, cette situation affecte l’image internationale du Maroc, notamment auprès des organisations de défense des droits humains et des partenaires étrangers.

Dans la société, le débat est multidimensionnel : entre la nécessité d’une justice ferme face aux crimes graves et la pression croissante pour une réforme abolitionniste. Pour les familles des condamnés et les militants, il s’agit d’une bataille quotidienne pour la reconnaissance des droits et la vie même de leurs proches.

Une réforme en suspens : vers quelle issue ?

Le paradoxe marocain autour de la peine de mort soulève plusieurs questions à suivre de près : comment concilier volonté de réforme et réalités sociales ? Quelle place donner aux engagements internationaux dans un contexte juridique national réticent ? Le réseau de parlementaires abolitionnistes, le dialogue avec la société civile et la coopération internationale pourraient offrir un levier décisif, mais la route est encore longue.

En fin de compte, l’enjeu dépasse la simple question judiciaire pour toucher au cœur des valeurs et de l’identité démocratique du pays.

lesoir

Journaliste citoyen avec une expertise en économie et politique.

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