L’audience d’al aoula continue de baisser : analyse et perspectives

L’audience d’al aoula continue de baisser : analyse et perspectives

Le dernier mois de ramadan a mis en lumière une tendance préoccupante pour la chaîne publique Al Aoula : malgré quelques réussites ponctuelles, son audience en prime time décline progressivement face à une concurrence redoutable, notamment celle de 2M. Cette évolution soulève des questions cruciales quant à la capacité du service public à maintenir sa place dans le paysage audiovisuel marocain.

Un virage à surveiller pour la chaîne nationale

Al Aoula, longtemps porte-étendard du service public, voit sa part d’audience en prime time se réduire. Durant la période du 4 au 8 ramadan 1446, sa part d’audience a pourtant légèrement progressé à 34,6%, surpassant 2M dont la part a chuté à 31,9%. Cependant, cette progression masque un phénomène plus complexe : sur l’ensemble de la journée, 2M conserve une avance avec 31,4% contre 19,9% pour Al Aoula. Cette distorsion entre prime time et audience globale indique une fragmentation des habitudes télévisuelles, qui mérite un examen approfondi.

Contextualiser la baisse d’audience

L’audience d’Al Aoula dans le cadre du ramadan, période critique pour la télévision marocaine, reste élevée en chiffres bruts : la chaîne a attiré 13 millions de téléspectateurs en prime time, un score non négligeable. Des programmes phares comme la série “Dar Nssa” rassemblent 9 millions de fidèles, tandis que d’autres succès comme “Ana Wiak” dépassent les 10 millions de vues. Pourtant, le constat global reste alarmant : les grandes productions de la chaîne ne parviennent pas à enrayer une tendance au décrochage sur la durée, notamment face à la perte de près de 2 millions de téléspectateurs pour certaines émissions concurrentes telles que la sitcom “Jib Darkoum” sur 2M.

Analyse des dynamiques concurrentielles

Le duel entre Al Aoula et 2M révèle une double réalité : d’un côté, la chaîne publique bénéficie de son positionnement historique, d’un public familial attaché à ses contenus et à sa mission. De l’autre, la chaîne privée 2M, plus agile dans ses programmations, capte une audience plus large tout au long de la journée. 2M mise sur une diversité d’émissions – jeux télévisés, talk-shows, programmes culinaires – qui maintiennent un fort taux d’engagement. En parallèle, certains programmes d’Al Aoula souffrent d’un manque d’innovation créative, ce qui peut expliquer le ralentissement de son audience, tout en restant un pôle culturel important.

Par ailleurs, les nouveaux usages numériques et la montée en puissance des plateformes de streaming modifient profondément l’accès au contenu télévisuel. Les jeunes générations, en particulier, délaissent la télévision traditionnelle pour des expériences plus flexibles, comme le souligne la dynamique de consommation du cloud gaming et des contenus numériques.

Conséquences et portée sur le paysage audiovisuel marocain

La baisse d’audience d’Al Aoula n’est pas anodine : elle interroge la viabilité à long terme de cette chaîne publique dans un environnement médiatique en évolution rapide. Une audience amoindrie signifie également une influence réduite dans la diffusion de contenus culturels et éducatifs, missions historiques assignées à cette chaîne. Les répercussions peuvent toucher l’économie des productions locales, l’emploi dans le secteur audiovisuel et même la promotion des valeurs sociales à travers les programmes.

Pour le téléspectateur, cette évolution implique une diversité croissante de choix, mais aussi un risque de fragmentation des discours et des repères culturels. D’autant que des séries à succès comme “Wlad Izza” ou “Salah wa Fati” dépendent d’un bon équilibre entre créativité et fidélisation, comme savamment illustré par la présence d’acteurs de renom (Dounia Boutazout, Aziz Dadas, Fadila Benmoussa) dans la production nationale.

Perspectives d’avenir et questions ouvertes

La progression de la concurrence, associée à la transformation rapide des modes de consommation, impose à Al Aoula un défi stratégique majeur : renouveler ses formats, investir dans l’innovation et mieux comprendre les attentes d’un public fragmenté. Des initiatives récentes montrent des efforts dans ce sens, avec de nouveaux programmes et une programmation engagée, mais la question demeure : la chaîne publique saura-t-elle garder sa place face à une industrie médiatique plurielle et vorace ?

Dans un contexte où le service public du secteur audiovisuel joue un rôle clé dans l’identité et la cohésion sociale, le maintien d’une audience significative est plus qu’une question de chiffres : c’est un enjeu de modèle culturel et politique. Le pari d’Al Aoula sera de continuer à s’adapter sans trahir ses missions fondamentales, au risque sinon de voir son influence s’éroder un peu plus à chaque saison.

lesoir

Journaliste citoyen avec une expertise en économie et politique.

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