Le roi interpelle sur les défis majeurs de l’enseignement au Maroc

Le roi interpelle sur les défis majeurs de l’enseignement au Maroc

Quel avenir pour le système éducatif marocain alors que les enjeux se multiplient? À l’aube de la rentrée scolaire 2024-2025, la parole royale se fait remarquable d’audace et d’urgence. Face à une école publique à la croisée des chemins, le roi du Maroc pointe du doigt les obstacles profonds qui freinent la modernisation et la démocratisation de l’éducation nationale.

L’enjeu crucial d’une école publique de qualité pour tous

Le Maroc se trouve aujourd’hui confronté à des défis lourds et complexes qui interrogent sa capacité à offrir un enseignement équitable et performant. Le roi a consacré une attention particulière à la question scolaire, révélant un besoin palpable de changement structurel. Sous le slogan » Pour une école publique de qualité pour tous », lancé par le ministère de l’Éducation nationale, la rentrée de septembre 2024 symbolise une étape décisive dans la volonté gouvernementale d’impulser une réforme profonde et inclusive.

Un système éducationnel en pleine mutation : réformes et frustrations

Au cœur du dispositif gouvernemental, la généralisation des « écoles pionnières » et l’émergence des « collèges pilotes » visent à bâtir des environnements d’apprentissage où la réussite scolaire ne serait plus l’apanage d’une élite. Pourtant, face à ces initiatives ambitieuses, les disparités économiques et sociales persistent. Tandis que le secteur public tente de stabiliser les coûts grâce à l’exonération de la TVA sur les fournitures scolaires, les familles rattachées à l’enseignement privé se débattent avec la flambée des prix des manuels importés, un paradoxe qui creuse l’inégalité d’accès à des ressources pédagogiques de qualité.

Parallèlement, le ministère met en avant le renforcement de l’enseignement des langues nationales, notamment l’Amazighe, élargie dans plus d’un tiers des écoles primaires, ainsi que la généralisation de l’anglais au secondaire collégial. Cette évolution inscrit l’éducation marocaine dans une dynamique internationale, mais suscite aussi questionnements quant aux moyens alloués et à la formation des enseignants pour assumer ces nouveaux défis linguistiques.

Face à la crise : échec ou opportunités?

Les efforts visibles de réduction de l’analphabétisme et d’augmentation des taux de scolarisation témoignent d’une progression réelle. Cependant, à l’instar des constatations der l’évaluation internationale, les élèves marocains restent en deçà des standards mondiaux en termes de performances. Le décrochage scolaire, amplifié par la pandémie, demeure un problème épineux, tout comme la qualité variable des infrastructures scolaires, souvent inadaptées aux besoins actuels.

Le roi souligne implicitement la nécessité d’une remédiation ciblée, débutant dès le plus jeune âge pour pallier les lacunes d’apprentissage. Cette orientation met en lumière l’importance d’une identification précoce des élèves en difficulté et de services pédagogiques adaptés, conjugués à un soutien social solide. Mais elle pose aussi la question des ressources humaines et matérielles indispensables à une telle ambition. Comment le système éducatif, déjà fragile, pourrait-il embrasser un tel tournant sans une refonte complète de ses approches et conditions?

Le poids des inégalités et la question des enseignants

Les tensions internes au secteur éducatif sont exacerbées par des problématiques sociales et institutionnelles. La participation partielle des enseignants au recensement national, décision critiquée même au plus haut sommet, manifeste les difficultés à mobiliser toutes les parties prenantes autour d’un objectif commun. De plus, les disparités entre écoles publiques et privées ne cessent de croître, non seulement en termes de ressources mais aussi d’exigences sociales et économiques.

Le programme d’aide sociale directe, bien que symbolique avec des allocations s’échelonnant de 200 à 300 dirhams par enfant, illustre les efforts gouvernementaux pour atténuer la pression financière pesant sur les ménages, sans pour autant répondre pleinement à l’impact de l’inflation. Ce contraste entre intentions visibles et réalité du terrain alimente un débat sur la portée réelle des mesures sociales dans l’éducation.

Une éducation au carrefour de la tradition et de la modernité

Le Maroc, héritier d’une riche tradition culturelle, doit aussi préserver ses identités, comme en atteste l’importance croissante accordée à l’enseignement de l’Amazighe. L’équilibre entre ouverture sur le monde – notamment par la maitrise des langues étrangères – et respect des valeurs nationales demeure un défi délicat. La valorisation du patrimoine, visible dans des initiatives telles que la promotion de sites historiques comme la Medersa mérinide de Taza, devient une pierre angulaire de cet équilibre éducatif.

Entre modernisation pédagogique, lutte contre les inégalités, gestion des ressources humaines et pérennisation des acquis culturels, le système éducatif marocain est à un tournant. L’allocution royale recentre le débat sur l’urgence d’une transformation profonde mais raisonnée, prenant en compte à la fois les attentes d’un public diversifié et les impératifs d’un monde globalisé.

Vers une transformation durable ou de simples ajustements?

Le défi majeur demeure : la capacité du Maroc à conjuguer réformes ambitieuses et réalité socio-économique fragile. La réussite de cette mutation éducative passera inévitablement par une articulation fine entre acteurs publics, enseignants, parents, et élèves eux-mêmes. Une chose est sûre, le système ne peut plus se satisfaire d’une évolution tiède ou d’une simple amélioration superficielle. La question reste ouverte : le Maroc est-il prêt à incarner un véritable changement de paradigme, mettant fin à la nécessité récurrente de remédiation, ou devra-t-il s’habituer à naviguer entre poudre aux yeux et avancées limitées ?

lesoir

Journaliste citoyen avec une expertise en économie et politique.

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